"Devant les enchaînements de travelings (latéraux, avant, arrière), ou plusieurs magnétiques mouvements d'appareils, la comparaison avec Kubrick semble de prime abord évidente, quoique partiellement hors sujet. En effet, le découpage du cinéaste vise plus le vertige organique que l'écrasement opératique. L'hôpital, une angoissante cafétéria, les abords de Cincinatti, chaque espace devient un nouveau ventricule, un repli bilieux, ou l'artère d'une gigantesque carcasse, dont le spectateur pourra prendre le pouls à mesure qu'il accélère. C'est donc une entité palpable, fiévreuse, qui se dévoile sous nos yeux, plus qu'un opus magna dédié à sa propre perfection."
Pour contrebalancer ces mises en place élégantes sinon fastueuses, le réalisateur use d'un mixage sonore qui confine parfois à l'agression, tant il traque la moindre nappe de son pour la transformer en une source d'angoisse capable de contaminer jusqu'à la situation la plus anodine. Il en va de même pour la photographie, la plus vivante, lumineuse et chaude jamais vue dans un film de Lanthimos. Elle se réserve néanmoins toujours la possibilité de subvertir ses équilibres chromatiques, transformant un plan clinique en image verdâtre sur le point de se décomposer. La beauté plastique de l'ensemble ne contredit alors jamais le malaise suffocant que cherche à provoquer le film, mais le nourrit constamment, jouant malicieusement avec le spectateur, auquel il offre de fausses zones de confort.
Mais là où le metteur en scène impressionne tout à fait, c'est dans la vigueur avec laquelle il s'empare des codes du cinéma de genre. Il jongle à toute vitesse entre l'horreur psychologique, un dégoût du corps qui tutoie régulièrement Cronenberg, mais aussi les spectres du cinéma d'Exorciste, au fur et à mesure que la malédiction promise au sien prend forme. S'il a toujours été à l'aise avec l'étrangeté, voire le malaise, Lanthimos n'avait pas encore travaillé la peur comme carburant premier de son récit. Il opère ce changement avec un naturel confondant, et trouve là un rythme, un réseau de codes, qui décuplent l'impact de sa mise en scène."
Simon Riaux
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Mise à mort du cerf sacré
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